[C1] Etre supporter, c’est d’abord avec le cœur
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[C1] Etre supporter, c’est d’abord avec le cœur
Le jour J était arrivé. Cela faisait longtemps que j’attendais ce moment. Je ne sais plus quand mon père était rentré tout guilleret du travail avec la nouvelle. Tout ce dont je me rappelle était l’émotion dans sa voix quand il a prononcé cette phrase :
« Hector, j’ai les places, on va pouvoir aller au match ensemble tous les deux. »
Il avait une voix tremblante, ça lui ne ressemblait pas le tout. Lui que je croyais avec un cœur de pierre, j’avais l’impression que l’idée de m’emmener au stade en avait fait des grains de sable.
Le matin du match, je m’étais réveillé beaucoup plus tôt que d’habitude. Pour preuve, j’étais en train de prendre le petit déjeuner pendant que le voisin nourrissait ses poules alors qu’à l’accoutumée, ce sont les piaillements des volailles qui me sortent des bras de Morphée. La journée allait me sembler interminable jusqu’au soir, surtout que Papa était parti travailler et qu’il ne rentrerait qu’au tout dernier moment, au moment de notre départ pour le match.
Alors, je m’occupais : écouter la musique, parler avec Maman et m’ennuyer, surtout m’ennuyer.
Puis Papa rentra du travail. Sa voix était teintée d’une excitation que je n’avais jamais vue :
« Hector, je suis rentré, j’espère que t’es prêt. Faut pas tarder si tu veux qu’on arrive à temps pour l’échauffement. »
Evidemment que j’étais prêt. Depuis une heure, au moins.
En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, nous étions en voiture en route vers le stade. Je ne savais pas où l’on était placés mais j’espérais de tout cœur que ce soit près des supporters chanteurs comme j’aime à les appeler. Pour une fois que je ne les entendrais pas au travers de la télé mais directement. Je crois que c’est ça que j’attendais le plus. Entendre l’ambiance, sentir le stade vibrer, n’être qu’un avec la masse de passionnés.
J’étais interrompu dans mes pensées par le brouhaha montant témoignant que nous nous rapprochions du stade et de son excitation ambiante. Papa avait un ami à l’entrée du stade lui assurant d’être garé au plus proche des festivités.
Nous étions garés. Papa me dit alors :
« On doit aller rejoindre Serge à la porte 8. »
Puis il remarqua ma mine déconfite à l’annonce de cette nouvelle qu’il s’était bien gardé de me dire de prime abord. Il rajouta alors :
« Non mais c’est lui qui a les places. Ne t’inquiète pas, je t’ai promis qu’on irait tous les deux, ce n’est pas pour t’abandonner dans les tribunes. Et puis, qui pourra t’expliquer quand les choses deviendront trop compliquées hein ?! »
Je n’aimais pas Serge, mais alors pas du tout. Il faisait partie de ces grandes personnes qui ne savent pas s’y prendre avec les enfants et dont la réciproque était amplement véridique. Les explications de mon père m’avaient redonné du baume au cœur. Je lui tenais fermement la main pendant que nous marchions, trottions plutôt, vers le lieu de rendez-vous. Il ne manquerait plus que cela, perdre mon père dans la foule… l’appeler en vain, être bousculé, ignoré… tout cela me glaçait le sang.
Mais c’est sans encombre que nous arrivâmes devant la fameuse porte 8. Serge accueillit chaleureusement Papa et me fit un timide bonjour que je lui rendis. Et puis tous deux partirent dans une analyse poussée des forces en présence ce soir. Je tentais d’écouter mais certains termes étaient trop compliqués pour un néophyte du football comme moi. Et puis, tout d’un coup, une odeur parvint à mes narines : une délicieuse odeur sucrée… du pop-corn venant du stand à côté. Et cette odeur me rappela que j’avais faim. J’avais été trop excité pour manger et je le sentais maintenant. Je le signalai à mon père qui coupa court à sa conversation avec Serge.
- Bon, Serge, il faut que j’y aille. Le petit a faim puis il veut être présent pour le maximum de choses avant le match.
- Pas de soucis, mais tu crois que c’est un endroit pour lui ici ?
- Bien sûr !
« Tu crois que c’est un endroit pour lui ici ». Ces paroles retentissaient dans ma tête. Quel abruti ! Heureusement que l’arrivée du pot de pop-corn et l’installation à nos places me firent penser à autre chose.
Je m’attendais à être bluffé par toutes les sensations que j’allais vivre ce soir mais ce qui se passa fut au-dessus de mes attentes. Les chants des supporters, les réactions du public aux buts, aux fautes, aux décisions arbitrales discutables mais aussi les bruits émanant de la pelouse, des joueurs, des arbitres, des entraîneurs qui s’époumonaient sans se ménager, le speaker qui annonçait la composition, les changements et surtout les 4 buts de notre équipe. Autant de micro-événements ne purent que combler un enfant comme moi venant pour la première fois au stade. Et quand l’action devenait trop difficile à suivre, Papa m’expliquait pour que je raccroche le wagon et que je me fonde dans la masse des supporters autour de moi. Avec le recul, je me dis que j’ai vécu le plus beau jour de ma vie dans cette enceinte, au milieu de commentateurs sportifs bruyants et dont les émanations laissaient supposer que la bière coulait à flots aux buvettes du stade.
Au bout de deux heures, l’arbitre siffla les trois coups de sifflet final, de suite suivi par une clameur s’élevant des travées. Mais j’allais avoir droit à un léger surplus de présence au stade, papa préférant attendre que la plupart des supporters aient quitté le stade et débattant sur le match de ce soir avec son voisin de gauche.
J’étais comme dans un rêve, je me revois tout excité racontant sur le chemin vers la voiture à Papa mon expérience, comment je l’avais ressentie.
- Je suis ravi que ça t’ait plu, mon petit Hector. J’essaierai d’avoir des places pour le prochain match si tu veux bien.
- Je voudrais bien venir mais tu es sûr que c’est un endroit pour moi ici ?
Au moment où je lâchais cette phrase, je sentis mon père marquer un temps d’arrêt. Il eut cette réponse, pleine de bon sens qui me fit oublier ce doute qui était né en moi à l’idée de revenir ici.
- Ce n’est pas parce que tu es non-voyant que tu n’as pas ta place. Etre supporter, c’est d’abord avec le cœur.
Il était vraiment plein de sagesse et de répartie, mon père. Il me manque atrocement.
- WhiteShark
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Re: [C1] Etre supporter, c’est d’abord avec le cœur
Quelques petits trucs à corriger sur la forme, histoire de dire que quelque chose ne va pas. Sur un court extrait comme ça, tu t'en sors très bien.

- Pops
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Re: [C1] Etre supporter, c’est d’abord avec le cœur
C'est le genre d'histoire qu'on a envie de relire une fois qu'on connaît la fin, pour voir ce qui aurait pu nous mettre sur la piste.
Très bien vu.
"Je me suis régalé" DrZOULOU
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- Slaker
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Re: [C1] Etre supporter, c’est d’abord avec le cœur
C'est très bien écrit, il y a le sens du détail, il y a vraiment du niveau dans ce concours !