C'est d'autant plus dur que je crève d'envie d'un RdP avec Dieppe
Episode 19 : Il est temps d'en découdre
L'Euro 2016 avait encore été un échec de justesse pour nos Bleus, qui pourtant jouaient à domicile. Nous avions fait un beau parcours, tout ça pour confirmer notre statut de Poulidor du football mondial, et pour donner une bonne raison à l'unique buteur de la rencontre ( Cristiano Ronaldo ) de recevoir son Ballon d'Or. De quoi commencer au plus mal, mentalement, la saison suivante, qui était mon point de mi-parcours dans la course à la Ligue des Champions. Cette saison 2016-2017, justement, c'était celle du raz-le-bol, du ponpon sur la Garonne, du courage sur le haricot ! ( ?... ) Tout allait devoir changer, et ce pour plusieurs raisons.
La première chose avec laquelle il fallait que j'en finisse, c'était mon frère, qui, en plus d'être d'une nature énervante, avait gâché mes vacances en Corse et ça, c'était la goutte d'eau qui mettait le feu aux poudres. Si j'avais su qu'apprendre la séduction rendait aussi pénible, je l'aurais laissé à Hermeville, ou j'aurais demandé à ce qu'on ne passe pas nos vacances ensemble. Pendant les deux semaines sur l'île de Beauté, c'était tout le temps la même rengaine avec Laurent : toutes les dix minutes, même en randonnée, dés qu'il croisait une jeune femme, il fallait qu'il aille lui parler, feignant de lui trouver une reproche à faire pour engager une conversation interminable, pleines de petits signes corporels auxquels seul lui accordait de l'importance. Et puis il repartait, le plus souvent bredouille ( Brecouille pour certains ), et le visage tuméfié, car la fille n'était pas toujours "disponible" et son concubin n'était jamais bien loin pour veiller sur elle. Entendre le petit "Pef" du poing d'un corse sur le doux visage de mon frère, c'était jubilatoire, mais pas assez pour sauver mes vacances avec ce lourdingue, qui n'arrêtait pas pour autant de jouer les Don Juan de Portovecchio dés que ses hormones le réveillaient.
Plutôt que de laisser courir comme je l'ai toujours fait, j'ai fait un coup de pute pour me venger, juste à la fin de nos vacances. Un matin, dans l'aéroport censé nous ramener à Roissy, au milieu du fourmillement de la foule, j'ai trouvé un billet d'avion par terre. Quelle idée de laisser traîner un putain de billet d'avion, alors qu'il est d'une valeur juste monstrueuse ! La destination n'était pas indiquée mais vu le prix, ça permettait d'aller loin, je pense. Bref, j'ai conservé ce billet dans ma poche, espèrant retrouver son propriétaire, même si la probabilité était infime. A un moment, alors que nous étions assis et que nous attendions sur de vieux bancs l'atterissage de l'avion que nous allions prendre, face à une grande baie vitrée qui laissait voir le soleil levant, Laurent a été pris d'une envie de pisser et m'a demandé de surveiller ses affaires. Pas de problème frérot, t'inquiète pas ! Juste le temps d'intervertir son billet et celui que j'avais ramassé, et le tour était joué. Après quelques minutes, j'entendis un "Pef !" puis un "Et si tu t'approches encore une fois de ma femme, je te refais les dents avec mes phalanges, compris !?". Laurent était sorti des toilettes visiblement. Il est revenu, oeil noir, nez qui saigne, et a pris ses affaires sans dire un mot. Il n'était pas au bout de ses surprises puisque, une demi-heure après, une fois que notre vol était prêt à partir, l'hôtesse qui a pris son billet en entrant dans l'avion lui a indiqué qu'il s'était trompé, et qu'il fallait prendre l'avion suivant. Laurent savait que ça se faisait, parfois, plusieurs vols de suite pour une même destination. Ce qu'il ne savait pas, c'est que le deuxième avion allait l'emmener non pas à Roissy, mais à Anchorage, en Alaska. La gueule qu'il a dû tirer en arrivant là-bas ! Enfin ça j'en savais rien, il lui a fallu deux semaines pour revenir en France, et quand il est revenu, il avait encore le visage tuméfié, l'oeil noir, le nez qui saignait...
Bon voyage !
Et enfin, la troisième cause de mes emmerdes, c'était les gens qui étaient censés me protéger : les Dockers. L'Armada nous emmerdait sans cesse, elle envoyait des hommes chier devant mon appartement, elle commandait des pizzas à mon nom ( Aux anchois en plus, je déteste ça ), et le pire, elle diffusait dans un journal local une photo de moi à poil, quand j'ai voulu emménager au Cap d'Agde en 2008, par ailleurs j'y avais été refusé en raison d'une maladie nommé le priapisme, que j'ai depuis mon enfance ( Je vous laisse chercher sur Wikipédia... ), et qui m'avait fait passer pour un pervers. J'avais reçu l'ordre, en dépit de toutes ces piques lancées par nos ennemis, de NE PAS réagir ; en effet, ce n'était jamais grave. Mais c'était très énervant, ces provocations gratuites ! Vers le mois de janvier, après un énième traquenard de leur part dans le but de me ridiculiser ( Ils ont lancé une rumeur comme quoi, je cite : "J'aime sodomiser des caniches" ), j'ai décidé de réagir. Parce que là, si peu de réactivité de la part d'une organisation qui se vante comme la mafia haut-normande, ça relèvait de la fainéantise, voire de l'incompétence.
A la mi-saison, juste après le nouvel an 2017, un soir, je me suis rendu à la planque sous-terraine, celle où j'ai été intronisé au sein de l'organisation il y a quelques années. Je connaissais le chemin par coeur : d'abord traverser Saint-Laurent de Brévedent, arriver devant la mairie, tourner à droite, avancer vers le pont, marcher dans les ronces, arriver sous le pont, tourner à gauche, forcer la porte, descendre, taper trois fois à la porte en bois, siffler l'air d'une chanson de Michel Sardou, et ouvrir aussitôt. A la fin de ce processus, on arrivait dans la salle sombre qui sert de planque. Quand je suis arrivé, tous les membres de l'organisation étaient là, comme prévus ; il n'y avait que moi et Patrice qui n'étions pas invités, mais moi, j'avais décidé de m'incruster. J'ai saisi une chaise, je me suis assis et j'ai tapé du poing sur la table, alors que tous les yeux étaient rivés sur moi.
- Les gars, ça suffit ! m'exclamai-je.
- Comment ça ? répondit Alain Cavéglia qui était en quelque sorte le "boss" de l'organisation.
- Les gars, l'Armada est passée à l'offensive, on se fait tous aggresser de tous les cotés sans raison par ces mecs, il est temps de réagir !
- Calmez-vous Stéphane, ce n'est pas grave, nous...
- Si justement c'est grave ! interrompai-je. En les laissant faire les cons, on se fait passer pour des blaireaux ! Ils se croient tout permis tout ça parce que leurs petites attaques ne sont pas notre priorité, mais un de ces quatre, cette négligence leur permettra de lancer des attaques plus dangereuses et ça nous sera fatale ! Il faut leur répondre bordel ! Il en va de notre honneur ! D'ailleurs j'ai déjà failli me faire flinguer, mais ça ne vous a fait ni chaud ni froid !
- Bon, écoutez, c'est moi et personne d'autre qui décidera s'il faut réagir, menaça Alain. Maintenant calmez-vous, oubliez tout ça et retournez chez vous, si vous ne voulez pas avoir deux organisations qui veulent votre mort !
- Alain, regardez la vérité en face. On se laisse bouffer ! J'en ai marre de me répéter : on va bientôt tous se faire crever par ces mecs-là parce qu'on n'a pas pu les empêcher d'agir auparavant ! C'est vraiment ça que vous voulez ?
- Si on se contient, c'est justement pour éviter les emmerdes, expliqua Alain. Vous ne voulez pas mettre en péril l'organisation tout de même ?
- Eh bien je préfère ça plutôt que d'avoir encore des pizzas aux anchois tous les matins devant ma porte ! criai-je en me levant.
Soudainement, le brouhaha du local et des mouvements des gens cessa, laissant place à un lourd silence. Plus personne ne bougeait, aucun bruit, silence pesant et inquiétant. J'étais mal à l'aise, j'attendais que quelqu'un "brise" le blanc, et j'avais peur d'avoir dit une grosse connerie. Après un long moment de black-out sonore, enfin, quelqu'un prit la parole.
- Des pizzas...aux anchois ? balbutia Alain, désorienté. Sacré de nom d'une pipe...c'est effectivement bien plus grave que ce que je ne pensais ! Vous avez bien fait de venir Stéphane !
Je n'ai pas tout compris mais j'ai feint de le suivre. Alain s'approcha d'un bureau appuyé contre un mur, et se saisit du bord qui se souleva, dévoilant un stock caché énorme de munitions, d'armes et autres babioles qui font beaucoup de bobos. Il prit un lance-roquette, m'invita à m'équiper moi aussi, ainsi que toutes les autres personnes présentes dans le local. Alors que nous nous servions en armes à feu, Alain continua de marmonner entre ses dents : "Des anchois...des anchois !". Peut-être a t-il subit un trouble dans son enfance lié aux anchois ? Il s'est étouffé avec un anchois ? Il a vomi en mangeant des anchois ? Il s'est fait violé par une anchois ? Enfin bref, l'essentiel était qu'il avait réagit, enfin ! Quand j'ai demandé quand nous allions attaquer l'Armada en guise de représailles, on me répondit : "Tout de suite...en voiture Stéphane !". Immédiatement après cette réponse, toutes les Dockers se sont rués en dehors de la cachette. C'était mieux organisé qu'une opération militaire. J'ai peur.