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I'm Not An Addict : XI : Conversations.

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stumpy
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Re: I'm Not An Addict : Chap 0 - Introduction

Message par stumpy » jeu. 21 janv. 2010 14:54

Y a bien un mec qui fait une story sur un sexoolique, on peut donc s'attendre à tout...
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Re: I'm Not An Addict : Chap 0 - Introduction

Message par Verchain » jeu. 21 janv. 2010 15:26

stumpy a écrit :Y a bien un mec qui fait une story sur un sexoolique, on peut donc s'attendre à tout...
Ouais, "Le Football des Mousquetaires", avec Maïté et Micheline qui reprennent en main les destinées du Biscarosse Football Club !!


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Misaki
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Re: I'm Not An Addict : Chap 0 - Introduction

Message par Misaki » jeu. 21 janv. 2010 21:14

J'espère vraiment que cette fois-ci, tu iras plus loin que cinq ou six épisodes.
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Dr ZOULOU
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Re: I'm Not An Addict : Chap 0 - Introduction

Message par Dr ZOULOU » ven. 22 janv. 2010 14:51

Jerém a mis l'accent sur le coté cul qui ressort de tes ecrits, et je ne peux m'empecher de lui donner raison. L'Amnesique m'avait l'air un peu touché du coté de la bistouquette, l'Ukrainien semblait vraiment timbré, quant à celui ci, il ne vit que pour niquer.
Ouais, on pourrait croire que t'as un souci avec ça. Si seulement, nous n'avions pas cotoyé pendant un temps (trop court) l'adorable Frankie, on pourrait vraiment se dire que t'as le carafon félé au niveau de l'entrejambe.
Sinon j'ai pas pigé ce qu'était un sexoolique. Je croyais que c'était un synonyme de "nymphomanie", mais à priori cest pas ça. J'ai peur de tomber sur des trucs chelouds en tapant "sexoolique" sur Google donc je verrais par la suite (si il y en a une).

La majorité des commentaires soulignent ton manque de continuité. Et là non plus je ne peux leur donner tort.C'est bien dommage. Mais c'est encore plus dommage de s'arreter à cela. Car derrière tous ces récits, à peine commencés, il y a une réelle qualité d'ecriture.

En decouvrant cette intro, j'ai tilté sur les traits du persos, si semblables à tous tes autres créations. Il y a toujours ce "moi je" dans tes mots. Tous les personnages secondaires semblent être là pour faire briller le héros. Si ce n'est son intelligence, c'est sa beauté, son instinct ou sa science. Ce sont toujours des êtres superieurs aux autres, un peu meprisant, arrogants, un peu blasés de tout. Comme si rien ne pouvait les faire vibrer. Il y a toujours cette mélancolie, accompagnée d'un ton un peu hautain. Un style Jerzy.

J'ai bien aimé ces phrases qui caractérisaient les differents personnages presents à la réunion:
A propos de Marc:
Son histoire est inintéressante. C’est bourré d’estime de soi.
A propos d'Eva:
Elle les approche, les aguiche, couche avec et ne les revoit jamais. Son problème m’a surtout l’air psychologique. Un traumatisme dans l’adolescence, un blocage (...) Eva n’est pas sexoolique. Juste une salope qui se rassure en se disant qu’elle est malade. (...) elle se donne bonne conscience ici, elle se rassure.
Je me suis dit que n'importe qui aurait pu penser la même chose de John.

Pour le reste, comme j'ai pas pigé ce qu'était le sexoolisme, je suis bien emmerdé. A un moment tu dis:
Je ne sais pas si Lola est sexoolique, elle se dit Nymphomane
La nuance m'a l'air importante, mais je ne la saisis pas. Honte sur mon vocabulaire defaillant.

A l'arrivée, je ne suis même pas sûr d'avoir vraiment envie de connaitre la defintion, je m'en tamponne la culasse.
Mais j'essaierai de suivre le chemin de ce drôle de bonhomme. J'ai comme l'impression qu'il n'est pas sorti du cul du singe, et ça pourrait promettre, si tu t'en donnes les moyens, un bon truc.


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Jerzy
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Re: I'm Not An Addict : Chap 0 - Introduction

Message par Jerzy » mer. 27 janv. 2010 10:08

Chapitre I - Crisis



C’est toujours la même chose. Je suis allongé dans mon lit, sur le dos. Je fixe le plafond. J’essaye de ne penser à rien. J’essaye de me concentrer sur une seule chose : dormir. Je n’y arrive pas. Je me lève, vais m’allumer une cigarette. Parfois, j’allume la télé. Puis j’en allume une deuxième. Enfin, je retourne dans la chambre, je m’allonge à nouveau. C’est là que mes pensées dérivent. C’est là que je me dis que je prendrais bien un shoot. C’est là que je finis par me persuader de me trouver une femme pour la nuit.

J’essaye pourtant de lutter. Une boule naît dans mon ventre. Mes jambes se font lourdes et sont secouées de spasmes réguliers. Je tourne et me retourne dans le lit à la recherche d’une bonne position de sommeil. Je ne la trouve jamais. Puis je commence à transpirer, à m’énerver. Je me demande aussi pourquoi je ne parviens pas à dormir sans sexe, sans alcool, sans rien. Parfois, je parviens à lutter. A résister. Je ne cède pas à l’appel de la bouteille d’absinthe. Je ne cède pas à l’appel d’Internet ou de mon téléphone pour contacter quelqu’un et passer la nuit avec. Ce sont ces moments-là qui sont vraiment difficiles. Ce sont ces moments-là que je ne sais pas gérer.

A part fumer, je ne fais rien. Je pourrais prendre des somnifères mais je m’y suis toujours opposé. Je consomme beaucoup d’alcool. Mélange trop dangereux. La peur également qu’un somnifère ne suffise pas. Devoir lutter contre une autre envie. Celle d’en prendre un deuxième, puis un troisième. Peur de prendre le truc de trop qui transformera mon sommeil en repos éternel.

Je suis un habitué des programmes de la nuit. La télé. Dernier rempart. Il y a de temps à autre des émissions sympa. Des documentaires originaux. Des concerts de vieux groupes, une musique qui vieillit mal. Outre me garder loin de mes addictions, ces programmes me font parfois trouver le sommeil. Au final je ne dors que peu. Soit je passe la nuit avec une femme et je ne dors pas, soit j’essaye de lutter contre mes démons et je ne dors plus. Quand je me calme à l’absinthe, j’ai la gueule de bois le lendemain. Le sexoolisme engendre l’alcoolisme et l’insomnie. En creusant un peu on pourrait ajouter l’irritation, la susceptibilité. Je ne suis pas quelqu’un de fréquentable. N’importe lequel de mes collègues de travail peut vous le dire.

Quand vous êtes insomniaque vous n’êtes jamais vraiment endormi, mais jamais vraiment réveillé non plus. Chuck Palahniuk – Fight Club.

Cette nuit est comme toutes les autres. La réunion en début de semaine n’a rien changé. Au contraire. Parfois en me regardant dans le miroir le soir, j’ai l’impression de voir un monstre. L’impression que je fais peur aux femmes. L’impression que mon destin est de vivre reclus, chez moi. L’impression de ne plus appartenir à ce monde. Ça me calmait. En allant à la réunion l’autre soir, j’ai compris que je n’étais pas seul. Qu’il y avait d’autres personnes comme moi, qui vont et viennent dans ces réunions avec des problèmes plus ou moins sérieux. Je sais maintenant que je ne suis pas seul. Ça me conforte dans mon comportement. Hier je me suis dit que finalement, tout ça n’est pas bien grave. C’est un jeu à double-tranchant. Chez les AA, la cure est collective. Quand quelqu’un craque, soit on le blâme, soit on craque avec lui.

Quand un fumeur se prive quelques heures et qu’il s’allume enfin une cigarette, celle-ci est appelée cigarette d’addiction. Le fumeur considère le clop comme source de bien-être, le plongeant encore un peu plus dans son addiction. C’est pareil avec les femmes. Deux nuits seul. Deux nuits sans dormir. La troisième sera de trop.

Comme souvent dans ces cas-là, je file sur Internet. Je me connecte sur Meetic. Des années que je suis là-dessus. Des années que je trouve quelqu’un sur ce site, tous les soirs où j’en ai besoin. Bienvenue au 21ème siècle. Tout est tellement plus facile maintenant. On peut tout faire sur Internet. Certains considèrent que c’est une ouverture sur le monde. Je considère plutôt que c’est un repli sur soi-même. Maintenant on peut tout faire de chez soi. Commander des fringues, de la bouffe, rencontrer virtuellement des gens, écouter de la musique, regarder des films. Internet est une merde qui tue les supérettes de quartier, les fripiers du coin et à terme, les industries du cinéma et de la musique. Internet nous enterrera, tous.

En général, quand je me connecte, je reçois rapidement des messages. Je ne suis pas très actif sur le site mais mon profil est régulièrement visité. Quelque fois, des femmes laissent des messages en mon absence. Je les lis, regarde les photos que la personne a postées sur le site, et je choisis. Trois messages aujourd’hui. Lolita, message d’approche traditionnelle. Un peu moche. Save_our_Souls, essaye de faire un peu d’humour mais c’est raté. Un point vert me signale qu’elle est actuellement en ligne. Assez quelconque. Je ne regarde pas le pseudo de la dernière. Je lis à peine son message. Il y en a une en ligne, je m’en contenterai.

Je n’ai plus aucune exigence. Les femmes ont toutes la même saveur. Elles ont toutes la même tête, le même corps. Plus aucune préférence. Dérive de mon addiction. Quand j’ai commencé l’absinthe, chaque verre m’arrachait la gueule. Je toussais, raclait ma gorge dans un bruit dégueulasse. Je sentais le liquide me bruler l’œsophage puis descendre dans mon estomac dans lequel il pesait plusieurs minutes durant. Maintenant je bois l’absinthe comme de l’eau. Le raisonnement est le même pour les femmes. Elles sont toutes identiques pour moi. Juste l’occasion de satisfaire mes démons une nuit de plus.

L’approche est toujours la même. Je ne me casse pas les couilles à faire un semblant de conversation. « Bonjour. Je ne cherche que du cul ». Le pire c’est que ça fonctionne. Objectivement, quand je regarde des profils au hasard, en dehors du cadre de la nuit, je trouve que certaines sont très jolies. Je n’ai jamais compris ce qui pousse ces belles femmes, qui sont souvent d’autres qualités, à s’inscrire sur ces sites. Elles ont tout pour elles et viennent le marchander vulgairement au plus offrant. Celui qui va le mieux les embobiner. Certaines sont mariées. Internet tue aussi les mariages.

La réponse est rapide. « Moi aussi ». Au fond de moi j’espérais qu’elle passe sa route. Qu’elle me dise qu’elle n’est pas ce genre de femme. Toujours les mêmes sentiments, encore une fois. Je sais qu’il ne faut pas. Je sais que j’entretiens le Mal. Puis il y a un moment où je ne peux plus reculer. Et comme tous les soirs, ma raison perd. Quoi que je fasse, je perds. Si je vois une femme, je m’en veux d’être faible et d’avoir tellement besoin de cul. Si je reste seul, je ne dors pas et me dit que tout aurait été plus simple autrement. Se laisser aller où lutter. Lutter procure plus de fierté. Mais à quoi bon. Vivre une existence d’ascète ? Entretenir une chasteté par vanité personnelle ? Pourtant ce soir, j’ai envie de lutter. Je dis que je ne peux pas me déplacer, que j’ai un peu bu avec des amis. Elle me propose de venir. C’est rare. Venir dans l’appartement d’un mec qu’elle ne connaît absolument pas, juste pour assouvir sa pulsion. Inconsciente. Je lui donne mon adresse. Elle me dit qu’elle se met en route. Et merde.

--------------------------------------

Nous sommes attablés au comptoir d’un bar miteux. Je me demande depuis quand un balai n’a pas donné signe de vie ici. Nous sommes seuls. Ce lieu doit être un repaire à poivrots. La gnôle est moins chère qu’ailleurs. Le gérant doit souvent voir passer des mecs qui tentent désespérément d’oublier leur vie de merde à bas prix. Papy ne voulait pas aller ailleurs. Il a vécu toute sa vie dans cette ville et venait souvent à ce bar avant. Avant que l’ancien proprio ne meure et qu’il soit repris par « un raté qui n’en a rien à foutre ». Il me dit qu’il vient toujours là de temps à autres. Ça l’aide à méditer et à mesurer tout le chemin qu’il a parcouru.

« Alors, t’as pensé quoi de la réunion ? Juste après sa question, il trempe ses lèvres dans une bière blonde de mauvaise qualité. La déglutition lui arrache une moue de dégoût.
- Pas grand-chose. Je ne me reconnais pas dans les témoignages des autres personnes. Ils ne m’écoutent pas quand je parle. Si je suis revenu, c’est pour vous.
- Tu as raison. Mark est un homme adultère rongé par la culpabilité. Igor a juste besoin d’une femme.
- C’est ce que je me disais. Je trempe à mon tour mes lèvres dans le liquide jaunâtre. Écœurant.
- Et la petite Eva, je ne sais pas. La première fois j’ai pensé qu’elle venait là pour se trouver un homme pour la nuit. Mais elle est revenue. On verra bien. Et puis il y a toi.
Il me regarde de ses yeux bleus perçant. J’ai le sentiment qu’il cherche à me sonder.
- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a à propos de moi ? Dites-moi. »


Il sourit en me demandant de le tutoyer. Il dit qu’il n’a rien fait pour mériter le vouvoiement. Il reprend :

« J’ai l’impression de me voir en toi. Mais tu n’as pas tout dit à la réunion.
- Pardon ?
- Personne ne dit tout dans ces réunions. On en garde pour soi par peur d’être faussement jugé. Malheureusement les détails que les gens gardent en eux sont souvent les plus importants. Ce sont les détails qui permettent de définir pourquoi et comment l’addiction a commencé, et pourquoi elle perdure. »
Papy m’impressionne. Ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace. D’un côté ça me met à l’aise. Ce n’est pas un vulgaire voyeur qui aurait pu profiter de ces réunions pour fouiner la vie des gens et tout raconter à bobonne le soir. Il continue.
« Tu m’as demandé mon aide. D’abord en me posant une question, puis en m’invitant à prendre une bière. J’aurais pu accepter la semaine dernière. Mais je voulais voir à quel point tu estimes avoir besoin d’aide. Et tu es revenu.
- Je crois que je n’en peux plus de cette situation. Je ne sais pas comment l’expliquer mais ma vie est complètement en désordre. Et je crois que le sexe en est la cause. »
A l’évocation de ces mots, le barman me regard avec un œil noir. Il est grand et mal fait. Son visage est difforme. Je pense qu’il ne comprend pas qu’on puisse avoir un problème avec le sexe. Lui aimerait juste en avoir de temps en temps. Au fond de lui, il me méprise et ne se gêne pas pour me le faire savoir en me fixant avec ses yeux noirs.
« Je vais te raconter mon histoire. Je pense qu’elle a des similitudes avec la tienne. Je suis né à la fin des années 40. J’entrais dans la vingtaine au moment de la révolution sexuelle. On parle souvent de cette période dans des magazines, mais peu savent décrire précisément ce que c’était à l’époque. Faire l’amour était simple. Enfin, moi je trouvais ça simple. Avec des amis nous allions dans des festivals qui invitaient des groupes de musique hippie. Il y avait beaucoup de filles de mon âge, pas toujours entièrement vêtues. Elles venaient pour le sexe, comme moi. Quand je venais de coucher avec une fille, souvent dans une tente ou dans un endroit un peu reculé, il me suffisait de revenir près de la scène et choisir quelqu’un d’autre. J’insiste sur le mot choisir. Il y en avait pour tous les goûts. Des blondes, des brunes, des minces, des athlètes, des rondes. Mes amis et moi allions là-bas un peu comme on allait au marché. Après chaque festival nous avions des dizaines de numéros de téléphone. Il suffisait ensuite de rappeler. Je passais mon existence entre la fac le jour et le lit la nuit ainsi que les week end. Je voulais toujours une fille différente avec moi. Pour moi, c’était ça la vie. Multiplier les conquêtes. Aucun de mes amis, ni moi d’ailleurs, ne nous imaginions mariés, avec un enfant. La stabilité, c’était pas pour nous. »


Il s’arrête quelques instants pour boire une gorgée. Il sort de sa poche un paquet de tabac à rouler, ainsi que des feuilles. Il s’en roule une avec dextérité et se tourne vers le barman pour demander si ça le dérange. Ce dernier donne son accord d’un simple signe de tête.

« Après la fac, j’ai trouvé un boulot confortable. L’emploi était sûr, la paye bonne. Malgré le changement de mœurs, beaucoup de femmes espéraient encore rencontrer un homme comme moi. J’ai beaucoup joué avec pour en attirer toujours plus. Au début je me concentrais sur mon boulot. Les festivals, ce n’était plus pour moi. Il fallait laisser la nouvelle génération prendre la place. Mais rapidement ça m’a manqué. Mon boulot a commencé à me déprimer et j’ai replongé. Il me fallait une femme, tous les jours. Différente si possible. Des histoires d’une nuit. Quand j’étais seul le soir, j’allais mal. Quelque chose me manquait. »
Je le coupe. Une question me brûle les lèvres.
- Pourquoi ne pas avoir cherché à avoir une relation suivie ?
Il sourit.
- Plusieurs raisons. J’avais certes une belle situation, mais je n’étais pas vraiment un bel homme comme tu peux l’être. Certaines tiraient de l’autosatisfaction à m’avoir emmené dans leur lit. Elles faisaient plaisir à un homme qu’elles estimaient moins bien qu’elles. D’autres avaient peur de moi, pour des raisons que tu peux imaginer et que je n’ai pas besoin de raconter. Mais d’une manière générale, j’adorais découvrir une nouvelle femme, une nouvelle poitrine, un nouveau corps. J’ai compris plus tard que ce n’était pas le sexe en lui-même dont j’étais accroc, mais à la nouveauté.
- C’est comme ça que vous avez décroché ?
Son visage se ferme d’un seul coup. Il prend une nouvelle gorgée. Se racle la gorge. Il semble chercher ses mots.
- Dans les années 1970, on a commencé à parler du Sida. Nous n’avions pas peur. Nous avions entendu ça et là, qu’en étant blanc, hétéro et catholique, nous ne risquions rien. Nous étions jeunes et naïfs. Nous ne pensions qu’à nous amuser. Jamais nous ne nous sommes dits que nous courrions un risque. Nous avons continué. Les préservatifs sont arrivés, mais nous pensions que c’était pour les homosexuels. Tout a continué, comme avant. La première star à être décédée du Sida était Klaus Nomi. Un homosexuel. Au fond de nous, de par ce que l’on pouvait entendre dans les médias, de nos constatations personnelles, nous étions vraiment convaincus que c’était le cancer gay. Puis mon meilleur ami l’a contracté. C’était épouvantable. Nous étions un groupe soudé de six ou sept bons amis. Tous l’ont lâché. Tous ont eu peur d’être contaminés. Je suis resté pour lui. A l’époque, cette maladie était encore assez inconnue. Je ne savais pas quoi lui dire. Il ne savait pas comment réagir. Un jour, une chaîne de télé a diffusé un documentaire sur Klaus Nomi, en revenant sur le calvaire qu’il a vécu à cause de la maladie. Mon ami s’est suicidé peu de temps après. »


Je ne sais pas quoi dire. Une lueur brille dans ses yeux. Il essaye de contenir quelques larmes. Il a beaucoup de chance d’être toujours en vie désormais. Il se racle la gorge à nouveau. Puis reprend.

« Sa maladie a calmé mon addiction pendant un moment. Puis un jour ça n’a plus suffit. J’étais très très fatigué. Je ne dormais plus. Je faisais des cauchemars. Je vivais entre deux eaux. D’un côté la volonté de reprendre ma vie d’avant, multiplier les conquêtes. De l’autre, la mort de mon ami. J’ai craqué pendant quelques temps. Mais quand on a fait l’amour pendant dix ans sans préservatif, c’est très difficile de se convaincre à s’entourer ainsi le sexe de plastique. Je n’aimais pas ça. J’avais envie de m’en passer. J’ai cherché de l’aide où je pouvais. Je ne voulais pas mettre ma vie en danger, ni celle de mes partenaires dans le cas où j’eus été infecté. J’ai passé des mois dans cette situation invivable. Un jour je suis allé à l’église. C’est ça qui m’a sauvé. J’ai trouvé la foi. J’ai remis mon corps en Dieu. J’avais une foi inébranlable. J’ai fini par me dire que la mort de mon ami était un message de mon ange gardien me prévenant de ce qu’il ne faut pas faire. J’ai réussi à m’abstenir de sexe pendant plus de trois ans. Après, je suis tombé amoureux. Pour la première fois de ma vie. J’ai déserté l’église et construit cette vie de famille que je refusais tant. Mais j’y ai appris aussi beaucoup sur moi-même. Personne ne mérite de vivre ce que j’ai vécu. Ce tiraillement permanent, ce stress à l’idée que je serais seul le soir venu. J’ai réussi à passer au dessus. Je veux aider les gens maintenant. »

Son récit m’a beaucoup touché. Je lui ai raconté mon histoire. Toute mon histoire. Le lien entre les deux, outre l’addiction, est l’absence d’amour. J’ai été amoureux quand j’étais jeune. C’était il y a bien longtemps. Notre histoire s’est terminée. Je n’étais pas triste. J’étais même heureux d’être célibataire à nouveau. Je pense encore à elle parfois. Je me demande si ce n’est pas elle la clé. Si la rupture n’a pas ouvert de vannes en moi.

Papy m’a dispensé de la prochaine réunion. Il pense que je n’y trouverai pas d’aide. Il a pris mon numéro de téléphone. Nous nous reverrons bientôt. Il est déterminé à m’aider. J’apprécie l’intention, bien que je ne sois pas certain qu’elle puisse être efficace. Nos histoires se ressemblent mais diffèrent sur des points trop importants. Il a reconnu ne pas avoir d’addiction de compensation. Il a également reconnu que sans la maladie de son ami, il ne se serait pas arrêté. Il a juste eu peur de mourir en fin de compte.

Je ne sais pas ce que je serai dans quelques semaines. Je ne sais pas si Papy va s’investir comme il me l’a promis. Ce que je sais c’est que j’ai besoin d’un ami. Nous ne sommes pas de la même génération, mais il pourrait bien être cette personne sur qui je puisse compter. Cette personne prête à écouter sans a priori ce que je lui révèlerai sur les tréfonds de mon être. Quelque part, ça me rassure.

Comme tous les soirs je fixe le plafond. Comme d’habitude je n’ai pas envie de dormir. Je vais fumer un peu. Puis je reviens dans mon lit. Je n’ai pas envie de boire. Je n’ai pas envie de baiser. Étrange. Je ne sais pas si je vais réussir à m’endormir, mais j’ai au moins la satisfaction d’être en paix.
Modifié en dernier par Jerzy le sam. 30 janv. 2010 17:37, modifié 1 fois.
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Re: I'm Not An Addict : Chap I - Crisis

Message par Misaki » ven. 29 janv. 2010 11:50

Deux jours que l'épisode est sorti et pas un seul commentaire. Je ne comprends pas trop.

C'est toujours aussi bon à lire. J'ai aimé l'histoire de Papy.

Je ne vois toujours pas comment le football arrivera dans cette histoire, donc j'attendrai.
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Re: I'm Not An Addict : Chap I - Crisis

Message par Takeo » ven. 29 janv. 2010 12:22

Peut-être en palliatif du sexe, Misa, non ?

Je l'avais lu cet épisode, mais n'avait pas eu le temps de le commenter.

Voilà, c'est fait. Encore un bon épisode ! J'espère qu'on pourra arriver jusqu'au football. :)


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Re: I'm Not An Addict : Chap I - Crisis

Message par stumpy » sam. 30 janv. 2010 15:28

Toujours aussi barré par ici, quelques fautes d'orthographe inhabituelles pour un élitiste de ton genre :P , je taquine hein !

C'est malsain, très malsain, il y a une sorte de complaisance certains passages peuvent rendre mal à l'aise (je crois que c'est voulu d'ailleurs). Ce papy il me plaît, et je pense comme Takeo qu'il peut t'amener vers le foot comme substitut au sexe...

Pourquoi les perso que tu incarnes, semble toujours au dessus des autres?? Que se soit intellectuellement, sexuellement ou autre?? Tu as besoin d'affirmer une quelconque supériorité, une sorte de "c'est moi qui ai la plus grosse"??

:)
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Re: I'm Not An Addict : Chap I - Crisis

Message par Atom Tan » dim. 31 janv. 2010 10:58

C'est pas ça la mégalomanie ?

Je reconnais tes qualités d'écriture mais je suis surpris qu'à chaque fois que tu écris une nouvelle story (si tu termines pas celle là...je boycotterai la suivante en signe de protestation :146: ) je n'accroche jamais avec ton héros...je le trouve pas sympa et ses problèmes m'indiffèrent...les problèmes de cul...du priapisme à la rigueur mais pour le reste...on verra la suite.


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Re: I'm Not An Addict : Chap I - Crisis

Message par Jérémibl » mar. 02 févr. 2010 12:49

Bon, tu as bien développé autour du sexolisme qui semblait bloquer un peu le Doc'. L'histoire de Papy me plait beaucoup aussi et la relation à venir entre ces deux gars s'annonce intéressante.


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Re: I'm Not An Addict : Chap II - Eva

Message par Jerzy » mer. 03 févr. 2010 10:34

Chapitre II : Eva


Nouvelle réunion. Je ne sais pas pourquoi j’y suis allé aujourd’hui. Peut-être pour me rassurer en me disant que mon existence n’est pas franchement pire que celle de ce Mark. Nous n’étions que quatre aujourd’hui. Igor a décidé de stopper l’expérience. A-t-il compris que ce groupe de soutien ne l’aiderait pas ? Pense-t-il que son addiction ne peut-être jugulée que par d’énormes efforts personnels ? Sans doute ne le saurai-je jamais. Papy m’a semblé indifférent à ma présence. Je ne l’ai pas revu depuis la semaine dernière et il ne devait pas s’attendre à me voir aujourd’hui.

La réunion a été assez longue. Eva s’est livrée un peu plus longuement. Il y a quelque chose dans l’attitude de cette femme. Elle a révélé son âge aujourd’hui. 25 ans. Elle a raconté son processus d’addiction. Elle semble accroc à la « chasse » plutôt qu’au sexe en lui-même. Son discours est différent de ce que j’ai pu entendre de la part d’autres personnes. Elle ne reconnaît son problème qu’à demi-mot. Elle contrôle parfaitement son flot de paroles, semblant vouloir en révéler le moins possible, mais suffisamment pour légitimer sa présence. Je guette les réactions de Papy au moindre de ses mots. Le vieil homme est impassible. J’imagine qu’il ne peut pas vraiment s’empêcher de comparer les paroles des uns et des autres à son propre parcours. Je ne sais pas ce qu’il tire de ces séances. S’il s’agit de satisfaction personnelle, d’une démarche d’ouverture et d’aide aux autres, où simplement d’essayer de laisser ses vieux démons au calme.

Comme les deux semaines précédentes, la prise de parole de Papy est orientée autour du soutien. Il déclare être guéri mais n’apporte aucun élément. Il ne se livre pas, du moins pas comme il s’est livré à moi la semaine dernière dans le bar. Dans un sens, il ne respecte pas la règle du jeu. C’est bien gentil de nous dire qu’il s’en est sorti, qu’on peut tout faire avec de la volonté, mais en ne donnant pas d’exemple concret, il ne permet pas de s’identifier à lui et de donner de l’espoir aux personnes qui assistent à ces réunions. Si je ne l’avais pas abordé le premier soir, s’il ne m’avait pas raconté son histoire, je crois que je ne serais jamais revenu. J’aurais peut-être fini par me décourager. Accepter ma condition, vivre avec, me pousser à l’autodestruction.

Je me lève et me dirige vers la sortie dès que Papy eut terminé son discours. J’ai son numéro de téléphone. Pas besoin de me forcer à faire la causette ce soir. La discussion de la semaine passée m’a aidé à tenir deux jours. Je sais qu’il me demandera où j’en suis si d’aventure je venais vers lui. Quelque part, je le fuis. Ai-je honte d’avoir craqué ? En rentrant chez moi je me sentais bien, apaisé. Peut-être aussi ai-je pris peur avec son histoire de maladie. Je n’avais jamais réfléchi aux conséquences néfastes que peut engendrer mon comportement. J’ai toujours été vigilant avec ça. A vrai dire, je n’ai plus baisé sans capote depuis plus de 10 ans. Cette couche de latex semble désormais faire partie intégrante de mon organisme. J’ai passé une nuit correcte ce jour là. C’était plus difficile le lendemain. La lutte permanente contre le sexe, contre l’alcool, contre l’insomnie. Je me suis rendu compte que l’absinthe est devenue la solution de facilité quand je tiens à ne pas baiser. Je me suis rendu compte que le cul est devenu la solution de facilité quand je ne veux pas boire. Je n’ai malheureusement pas de solution de facilité lorsque je ne veux ni baiser, ni boire.

En parlant à Papy ce soir, je me serais senti honteux de lui dire que je suis retourné sur Internet, que j’ai recontacté des femmes que j’avais déjà vues. Toujours le même cycle. Toujours ce capital de trois nuits avant d’être pris pour un monstre. Save_Our_Souls, qui se prénomme Rosa, est revenue deux fois. Rosa a semblé flattée la première nuit. Flattée qu’on puisse la désirer autant. C’est sûrement pour cela qu’elle est revenue. Rosa manque de confiance en elle. Rosa n’a pas compris pourquoi un homme l’a désirée plus d’une fois, elle qui se déclare malheureuse dans sa vie sentimentale, engluée dans un mariage sans fin qui ne lui apporte plus aucune satisfaction. Rosa aurait aimé avoir un enfant, mais elle pense que c’est trop tard. Rosa ne reviendra probablement plus. J’ai pensé un moment recontacter Lola. La seule personne intime qui me voie vraiment comme un être humain. La seule qui me comprenne. La seule femme qui sait ce que je vis lorsque je suis seul chez moi le soir. Lola habite dans une autre ville, à environ trois heures de route. Mais Lola serait venue si je l’avais appelée. Lola est heureuse de me soulager. Lola n’a jamais pensé que je l’appelais que lorsque toutes les autres avaient refusé. Elle a d’ailleurs raison. Lola m’aiderait plus en venant me voir sans aucune attente sexuelle. Parfois je me dis qu’une simple présence m’aiderait énormément. Parfois je pense à me mettre en colocation.

Il faut emprunter un long couloir carrelé en blanc pour sortir du bâtiment. Ca et là, sur les murs, des affiches pour présenter les prochains événements. A l’origine, c’est une salle de basket. Il y a toujours des entraînements de temps à autres. Nous, les monstres, arrivons après. La première fois, en attendant l’heure juste, j’ai vu sortir plusieurs personnes, sac de sport sur l’épaule. Je me souviens de leur regard mi-amusé, mi-terrifié. Ils savent de quoi souffrent les gens qui investissent leur salle après eux. Tous m’ont lancé un regard interrogateur. « Tiens, on l’a jamais vu lui », « il a l’air normal, pourtant ». J’imagine que mon physique n’entre pas trop dans leurs préjugés. J’en avais moi aussi. Je m’attendais à voir des hommes de la cinquantaine, un peu bedonnants. Je ne m’attendais pas spécialement à voir une femme. Ou du moins, pas une femme comme Eva de laquelle se dégage une certaine classe. Je m’attendais éventuellement à voir des drogués, qui profitent de leurs voyages pour baiser entre eux. Finalement, les gens qui viennent ici sont comme tout le monde. Des personnes simples avec leurs petits secrets.

Eva m’a emboîté le pas lorsque je suis sorti, trahie par le bruit résonnant de ses chaussures à talons à chacun de ses pas. Le rythme s’est accéléré juste avant que je ne sorte. Eva s’est mise à courir. Elle m’a rejoint dehors, alors que j’allais tranquillement me diriger vers le centre, poussé par l’envie étrange de boire une bière en solitaire.
« John, attends. ». Je me suis tourné vers elle. Je trouve sa tenue bien trop élégante pour ces réunions. Chaussure à talons, bas noirs, jupe plissée noire. Un manteau noir lui aussi, rappelant que les nuits d’automne sont parfois bien fraîches dans la région. Eva s’est maquillée. Elle a souligné le bleu de ses yeux par du crayon noir. Ses cheveux courts sont intelligemment placés avec du gel ou de la laque. Je n’avais pas remarqué ces détails les semaines précédentes. La tenue qu’elle porte souligne bien son charme. Elle n’est pas une belle femme au sens commercial du terme. Mais il y a quelque chose dans son visage. Son regard pénétrant semble empli de toute la sagesse du monde. Ses fines lèvres sont une invitation au voyage. Son visage fin et parfaitement symétrique rappelle l’innocence de la jeunesse. Cette femme possède une puissance sexuelle hors du commun, et elle le sait. Je l’ai regardée de haut en bas, puis de bas en haut. Elle n’a pas semblé être gênée. Elle m’a souri, révélant ainsi une dentition parfaite.

« Euh, oui ?
- C’est bien John, n’est-ce pas ?
- Oui.
- J’en étais sûre. Tu as donné ton vrai nom. Le tutoiement ne te dérange pas ? Je me vois mal vouvoyer quelqu’un qui n’a que trois années de plus que moi. »


Trois années. Elle a dit avoir 25 ans. Elle en a 27. Elle ne s’appelle probablement pas Eva non plus. Pourquoi ce mystère ? Pourquoi s’inventer un personnage pour venir ici. Cette femme est étrange.

« Tu ne t’appelles pas Eva, n’est-ce pas ? »
Elle baisse les yeux avec un sourire espiègle comme un gosse qui aime la confiture et qui se fait prendre le doigt dedans par sa mère.
« Eva est mon deuxième prénom. C’était celui de ma grand-mère.
- Quel est ton vrai nom ? »


Je demande plus par curiosité. Je m’en fous un peu. Le prénom Eva lui va à ravir. Elle se contente de rigoler et de me faire un clin d’œil. Soit. Si elle tient vraiment à rester anonyme. Tout cela ne me dit pas ce qu’elle me veut. Je n’ai pas envie de la braquer en demandant. J’attends simplement qu’elle prenne l’initiative de me le dire. Elle semble amusée de la situation. Si elle dit vrai lors des réunions, elle doit avoir l’habitude d’aborder les hommes. Il se dégage d’elle une certaine confiance. Il n’y a aucune forme de doute dans sa démarche. Elle sait exactement quoi dire et à quel moment. Elle sait aussi que quoi qu’elle propose, je finirai par accepter.

« J’aimerais qu’on aille boire un verre.
- J’allais justement en centre ville boire une bière.
- Ca me va. »



Cela faisait un moment que je n’avais pas pris le temps de m’asseoir dans un café un peu chic pour y boire une bière. J’avais apporté un bouquin, pensant être seul, profitant ainsi de ce petit moment à moi pour me retrouver. Eva en a décidé autrement. C’est elle qui commande. Une bière blonde pour moi, un verre de Martini Rosso pour elle. Je n’aime pas cette situation. Sans en avoir l’air, elle a dirigé toute la manœuvre depuis le début. Je n’ai pas su lui dire non, c’est moi qui ai choisi le bar. Eva est le genre de personne à obtenir ce qu’elle veut en faisant croire à son interlocuteur que l’idée vient de lui. J’étais un peu comme ça quand j’étais plus jeune. Elle ne commence à parler que lorsque le barman apporte notre commande.

« Par où commencer ? Bon, je ne m’appelle pas Eva, je n’ai pas 25 ans. Oui, j’ai menti sur ces points-là pendant les réunions. Je n’ai pas menti sur mon histoire, sur mes attitudes. J’ai volontairement omis certains détails qui n’ont pas leur place avec ces gens-là. Je ne suis pas bien sûre d’être réellement accroc au sexe. J’aime ça. J’aime beaucoup ça, mais je ne sais pas où se trouve la limite entre le plaisir et l’addiction. Certaines personnes de mon entourage me trouvent trop volage, trop entreprenante, trop je ne sais quoi. Je me suis donc décidée à parler et voir ce qu’un groupe de soutien peut faire pour moi. Manifestement, il ne peut rien. Mais j’ai beaucoup rigolé avec Mark et Igor. Papy a l’air bien gentil mais un peu trop donneur de leçons. Je me tourne donc vers toi. »

Elle parle avec beaucoup d’insouciance. Son ton est léger. Les mots sont fluides et sortent facilement de sa bouche. Sa voix est très douce, très calme. Elle n’a aucune honte de ce qu’elle est ou de ce qu’elle fait. Elle prend toute cette situation avec légèreté. Le genre de personne à avoir la pêche en toute circonstance et à ne pas se laisser abattre à la première difficulté. Je ne vois pourtant pas le rôle que je peux jouer là-dedans. Comme elle s’est tu, je l’invite d’un geste à continuer.

« Je me tourne vers toi pour deux raisons. La première, t’es le seul du groupe à réellement sembler avoir un problème. La seconde est que je ne suis pas du tout attirée par toi. Ca peut paraître bizarre de te dire ça alors qu’on se connaît à peine, mais vu ce que j’ai dit au groupe, je préfère que ce soit clair. Je ne me considère pas réellement comme accroc justement parce qu’il y a une catégorie d’hommes qui ne m’attire pas : les hommes libres. Ceux qui font ce qu’ils veulent, quand ils veulent. Ce n’est pas libre au sens marital. Certains hommes mariés sont libres, certains hommes célibataires ne le sont pas. Je côtoie beaucoup d’hommes tristes, enfermés dans une vie qu’ils n’aiment pas, toujours proches de leur point de rupture. J’ai appris à les reconnaître facilement. Des hommes dans un mariage qui n’est pas forcément heureux, qui restent avec leur femme pour leurs enfants et qui se demandent si ça serait réellement grave de les tromper. J’aime être une amante pour ces hommes-là. J’aime me dire que je leur apporte une touche de douceur et de bonheur dans leur routine de merde et je me prends parfois à en tirer beaucoup de satisfaction. C’est à ça que je suis accroc »
- C’est bien joli, mais je ne vois pas en quoi ça me concerne, ni en quoi je peux t’aider.
- Tu peux m’aider car tu sais ce que c’est d’être accroc. Je suis accroc à mon mode de fonctionnement. Pourtant la moitié des femmes de la ville me déteste. »
Elle ne peut s’empêcher de sourire à cette allusion. Je me demande si ça la dérange vraiment.
« J’ai besoin de te connaître, de connaître ton fonctionnement, tes addictions. Ainsi je pourrai mieux me comprendre et travailler sur ce problème. Le fait est que je n’ai jamais su m’attacher à un homme. Je n’ai jamais connu le grand amour comme on voit dans les mauvais films. Je ne dis pas que j’aimerais le connaître. Juste laisser les couples en paix, juste arrêter de coucher avec les premiers paumés venus.»

Un instant, j’ai envie de lui dire de voir tout ça avec Papy. Puis je me dis que si elle ne l’a pas fait, si elle m’a choisi moi, c’est qu’il y a une raison. Je ne suis pas sûr de ce qu’elle attend de moi. Je ne vois pas trop quoi lui apporter. Je ne pense pas qu’une insertion dans mon monde puisse l’aider. Chaque personne est différente et nos agissements proviennent tous de sources qui nous sont propres. Je comprends la démarche mais je ne l’approuve pas.

« Je ne suis pas sûr de pouvoir t’aider. Je suis accroc au sexe brut. Pas d’amour, pas de romantisme. Juste de la baise. Toi, t’es pas vraiment accroc à ça. Nos motivations et l’origine de nos addictions sont différentes. Je veux bien essayer d’aider. C’est juste que je ne vois pas comment faire.
- Tu trouveras. »


Elle fouille dans son sac à main et en sort un stylo. Elle note son numéro sur le bock de ma bière. Puis elle vide son verre d’une traite et se lève. Elle pose un billet sur la table en disant que c’est elle qui invite, que je n’ai qu’à laisser la monnaie au barman. Avant que je n’aie le temps de lui demander pourquoi elle s’en va ainsi, elle me sourit, et dit :

« Tu voulais boire ta bière seule. Je ne veux pas déranger davantage. Je pense vraiment que tu peux m’aider. Je ne serais pas venue dans le cas contraire. Réfléchis, et recontacte-moi. On pourra rentrer un peu plus dans le détail. Tout ce que je sais c’est que j’ai vraiment besoin d’une personne comme toi. »


Je n’avais pas encore répondu que la porte d’entrée du bar se refermait déjà derrière elle. Eva a traversé ma soirée comme une étoile filante transperce le ciel nocturne. Je prends une gorgée de bière et ne peut réprimer un sourire béat.
Modifié en dernier par Jerzy le jeu. 04 févr. 2010 9:44, modifié 1 fois.
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Re: I'm Not An Addict : Chap II - Eva

Message par Jérémibl » mer. 03 févr. 2010 15:46

Sympathique cette Éva. On aurait pu croire que John allait la baiser comme il se doit. Et bien nan, et pire que ça, elle compte sur lui pour l'aider. Je suis un peu comme John, je ne vois pas trop en quoi il pourrait la sortir de sa situation, surtout qu'elle a l'air de s'en contenter largement.
A suivre...


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