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Midsomer Soccer

C'est ici que se trouvent les plus belles histoires du forum

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Verchain
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Midsomer Soccer

Message par Verchain » dim. 06 déc. 2009 8:15

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Episode Pilote : Come Tomorrow

About the time I'm eight years old
I met the devil, kept my soul
Walkin' out on lakes of fire and I'm gone
Walkin' in a wonderland
And I don't really understand
The place I'm comin' to right now today
Come tomorrow, you could see the light
Come tomorrow, break it right down to the place
you were before
Ugly Kid Joe – Come Tomorrow



Quelques nuages hauts moutonnaient au-dessus des bois de Midsomer Worthy. L’automne serait là bientôt, comme si chaque année il prenait un peu d’avance sur le calendrier. Vous parlez d’un réchauffement climatique… Dans ce coin d’Angleterre, à moins de deux heures de voiture de la mégalopole londonienne, le temps semble s’arrêter à chaque instant. On côtoie l’éternité de chaque moment, au milieu d’un agglomérat de maisons d’un autre âge, de cottages-dortoir où la bonne société bourgeoise de Londres vient s’assoupir le temps d’un weekend, de petites maisons qui semblent branlantes où résident les villageois, de manoirs posés ça et là au coin d’un bois, héritage d’un autre temps qui demeure ici bien vivant, celui des châtelains, des intrigues de la noblesse provinciale, des grandes familles qui demeurent aujourd’hui encore les points de repère, les phares d’une population rurale et conservatrice, qui semble vivre dans ces temps reculés juste troublés ça et là par la pétarade d’une antique Lotus Seven ou le grondement sourd d’un gros diesel germanique. Ou par le double coup de fusil du chasseur maladroit, incapable d’atteindre sa cible du premier coup.

Ici, c’est loin, très loin de chez moi. Mais à bien y penser, je me sens à ma place dans le décalage temporel qui règne sur ce coin d’Angleterre. Chez moi aussi, on semble parfois un peu décalé dans le temps, à cheval entre tradition et modernité débridée. Entre le souvenir du Mayflower et le regard tourné vers l’avenir qu’entretient ma bonne ville de Boston, avec son quartier d’affaires aux buildings de verre et son vieux centre aux maisons victoriennes, habitées ces temps-ci par les parvenus locaux de plus en plus nombreux à cotoyer les vieilles familles de la Nouvelle-Angleterre, dont celle qui a donné trois fils à la Patrie.

Un petit sourire aux lèvres, j’écrase sous le talon de ma botte en cuir épais le mégot que je viens de jeter au sol. Je ne fumais plus depuis cinq ans, et j’ai repris, comme ça, subitement. Mes nouvelles responsabilités, sans doute. Blue, mon fidèle Airedale Terrier, patiemment éduqué à aller contre sa nature de chasseur de renard pour devenir un chien d’arrêt de première bourre, vient faire des petits ronds autour du mégot, allant et venant ensuite entre l’endroit que je venais de quitter et moi. J’ai un chien qui adhère à Greenpeace, maintenant ? Parcourant la courte distance qui me sépare du lieu où j’ai abandonné le mégot, je vais le ramasser et l’empoche, au milieu de mes cartouches. Mon pardessus en cuir huilé va puer le tabac pendant des siècles, maintenant. Merci, Blue. Mon chien, qui doit vraiment être un écolo convaincu, me fait la fête alors que je reprends mon chemin, déterminé à aller traquer le gibier à l’orée du bois. Dans le petit matin, la rosée est encore bien lourde sur les brins d’herbe de la petite prairie qui me sépare de mon objectif. Ça sent l’herbe humide, la campagne profonde. Je dépasse le chemin qui mène au cœur du bois, au vieux pavillon de chasse de la famille Braithwaithe, abandonné depuis des lustres, et commence à longer la lisière de la forêt. Blue, qui a compris qu’il est l’heure de se mettre au travail pour débusquer autre chose qu’un mégot de Rothmans écrasé, met le museau au ras du sol, et commence à errer de droite à gauche, entre l’orée du bois et moi. Dans mon dos part un coup de fusil. Aucun plomb ne siffle dans ma direction. Quelqu’un a du tirer, dans le bois qui appartient à la famille de mon épouse. Blue s’est arrêté, les oreilles au vent. Il ne reste pas longtemps dans la position, reprend sur mon ordre sa quête d’un gibier quelconque.

Le coup était parti non loin, en direction du pavillon. Visiblement, un bon tireur. Un seul coup, ce qui, somme toute, demeure assez rare dans un bois lorsqu’on chasse le petit gibier. A une cinquantaine de mètres, assis sur le muret bas qui délimite le fond du pâturage dans lequel je marche, j’aperçois un autre chasseur habitué de ces terres. John Smithlock est un ancien lieutenant de l’armée, retiré dans le village qui l’a vu naître. Un vieil homme qui aime raconter ses exploits militaires, et particulièrement Suez, il y a plus de cinquante ans, alors qu’il n’était que caporal lors de la poussive opération des troupes de sa Majesté. Smithlock est en train de boire à la tasse d’une bouteille thermos un liquide qui ne fume pas dans la fraîcheur du matin. Le vieux a sans doute encore amélioré son café matinal d’une rasade de l’excellent alcool de poire des Midsomer, une nouvelle fois. Nous nous saluons poliment. En bon patriote, John ne m’aime pas beaucoup, mais respecte la famille à laquelle j’appartiens par alliance. Toujours ce vieux système britannique de classes, sans doute. Après tout, je suis lié indirectement à la Royauté, par mon mariage avec Marybeth Braithwaithe, fille de Lord Henry Braithwaithe, dernier comte de Caverness. De plus, je prends souvent un plaisir amusé à écouter le vieux lieutenant retraité raconter ses faits d’armes en enjolivant toutes les situations pour rendre compte de la grandeur de l’armée royale. A mon sourire amusé, il doit bien comprendre que, pour moi, la meilleure armée du monde sert sous la bannière étoilée, même si je suis plus passionné par l’histoire que par les histoires de géopolitique qui sont à l’origine des guerres. Nous échangeons quelques mots, sur le temps qu’il fait et celui qu’il fera demain, sur le peu de gibier que nous croisons en cette toute fin du mois d’août, et sur la prochaine fête d’automne qui sera organisée par le Comité Littéraire de Midsomer Worthy.

Le cri est monté du bois alors que je venais de décliner l’invitation du lieutenant à goûter un peu de son « café ». Je préfère en effet avoir les idées claires lorsque je suis à la chasse. Les agapes et le bon alcool sont pour l’après, lorsque l’on célèbre la chasse en se claquant sur les cuisses en racontant pour la cent unième fois ce fabuleux doublé de faisans à cinquante mètres, en engloutissant un civet arrosé de vins français pour certains, de pur mal écossais pour d’autres. Pour ces soirées desquelles on rentre en pilotant au hasard sa voiture, qui de toute façon connaît la route de la maison. Pour ces soirées à l’issue desquelles on s’abat, lourd comme un cheval mort, sur le lit conjugal dans lequel on n’est pas en mesure d’effectuer son devoir à l’issue de tous les abus de la nuit et de la fatigue de la journée.

C’était un cri d’horreur. Un cri de femme, à n’en pas douter. Par un vieux réflexe de régiment, sans doute, Smithlock avait empoigné son fusil, prêt apparemment à monter à la charge comme au bon vieux temps. En cette journée sans vent, il était relativement aisé de trouver l’origine du cri. Le centre du bois, le vieux pavillon de chasse. Cassant mon fusil sur mon épaule avant de passer la lanière sur mon épaule, je démarre au sprint vers le chemin menant au pavillon de chasse, à quelques centaines de mètres de l’endroit où Smithlock était en train de remballer son thermos, non sans s’accorder une dernière rasade avant de se mettre lui aussi en marche. Blue courant devant moi, j’atteins finalement le chemin, dans lequel je m’engage en accélérant encore l’allure. Il y avait eu un accident, sans aucun doute. Les gens sont décidément bien imprudents. Quelqu’un s’était peut-être pris une décharge ou quelques plombs perdus. On ne chasse pas dans le bois, normalement, quand on n’y a pas été autorisé de manière formelle par mon beau-père, qui s’assure avec l’aide de Rory Woodson, le garde chasse du domaine, que les précautions indispensables à la chasse en forêt, notamment le port d’un gilet et d’une casquette de couleur fluorescente afin d’éviter d’être pris pour un sanglier ou une biche au détour d’un massif ou en sortant dans l’une des clairières qui parsèment le bois.

Le souffle court, j’arrive finalement au lieu d’origine du cri. Une femme rousse se tient à genoux, prostrée. Je n’ai besoin que de quelques instants pour reconnaître Molly Parker, l’institutrice du village, petite femme un peu boulotte dont les yeux vert pâle font oublier à tout mâle normalement constitué les quelques kilos de graisse qui alourdissent ses hanches. Me jetant à ses côtés, je l’empoigne par l’épaule, cherchant son regard. Ses beaux yeux verts semblent vides, ses épaules sont agitées de sanglots rapides et brutaux.

- Molly ! Molly, vous êtes blessée ?

Elle ne répond pas, continuant de fixer une chose invisible située à moins de cinquante centimètres d’elle. Je la secoue légèrement, avant de reprendre :

- Molly, bon sang, répondez !

Levant ses yeux clairs sur moi, elle prend soudainement conscience de ma présence. Pourtant, une seule syllabe veut bien sortir de sa bouche colorée en carmin :

- Ro… Ro…
- Quoi, « Ro » ?? Molly, que se passe-t-il ?
- Ro…
- Vous me reconnaissez, Molly ? Francesco, le mari de Marybeth, le gendre de Lord Henry. Molly ?
La bouche entrouverte en un murmure silencieux, Molly étend son bras vers le chemin, indiquant la direction du cœur du bois, là où se trouve le pavillon. Smithlock arrive à ce moment là. Me redressant, je confie Molly à la garde du vieil homme, et pars en courant à nouveau, mon souffle à peine revenu, en direction du pavillon.

Une scène horrible m’y attend. Le cadavre de Rory Woodson, autrefois homme costaud de la campagne, gît, désarticulé, contre le tronc d’un vieux hêtre dont les feuilles commencent à jaunir. Rory était un homme plutôt séduisant malgré sa soixantaine bien sonnée. Aujourd’hui, je crains qu’il ne soit plus en mesure de séduire qui que ce soit. Il lui manque en effet une partie du visage. Sa joue gauche est arrachée, et se trouve répartie harmonieusement en petits morceaux de chair collés sur le tronc de l’arbre contre lequel il repose. Il n’y a plus rien à faire pour lui, on dirait. Bordel. Son fusil, un italien flambant neuf, offert par Marybeth lors du dernier anniversaire de Rory, repose sur le sol à côté de son corps. On ne dirait pas un accident de chasse, à première vue. Un suicide, sans doute, bien que je ne sois pas expert en la matière. Il va falloir appeler la police, qui ne manquera pas de nous interroger, Molly, Smithlock et moi…

Quelques heures plus tard, paisiblement assis dans un fauteuil profond de notre résidence de Braithwaithe Manor, Marybeth et moi sommes entendus à notre domicile par deux policiers locaux. Ils ont l’air plutôt sympathique. L’inspecteur chef Tom Barnaby, accompagné du sergent Dan Scott, de la police de Causton, la ville dont dépendent les villages qui forment la communauté de Midsomer, dans le Buckinghamshire. Barnaby était un homme de taille moyenne, le visage assez rougeaud, le milieu de la cinquantaine, sans doute. Son sergent était un foutu beau gosse, le type même du dragueur invétéré, et jetait de temps à autre un petit coup d’œil vers Marybeth, qui semblait assez dérangée d’être ainsi le centre d’intérêt de ce jeune homme.

A bientôt trente six ans, Marybeth est toujours une très jolie jeune femme, d’apparence. Elle semble toujours traîner la même mélancolie dans le regard, cette petite chose qui la rend si attirante. Elle semble souvent quelque peu distante, ce qui lui confère une beauté froide, magnifiquement soulignée par des yeux d’un gris d’acier. C’est ce qui m’avait frappé lors de notre première rencontre. Et définitivement conquis lors de la seconde, devant un grand latte de la maison Starbucks. J’étais à l’époque, au tournant du millénaire, entraîneur de l’équipe de soccer masculin de l’université de Boston. Boston College, mon alma mater, l’endroit où j’avais fait mes études, et dans laquelle j’étais revenu entraîner, après une expérience réussie comme coach du lycée de St Frances, à Foxborough.

Lors d’un entraînement comme les autres, inspirés de ceux de Chip Maccauley, entraîneur de l’équipe de la fac lorsque j’y étais étudiant, en techniques de management du sport, j’avais aperçu une belle jeune fille, le milieu de la vingtaine, assise dans les gradins traditionnellement déserts à l’exception des quelques petites amies de mes joueurs qui n’étaient pas retenues par leurs entraînements de cheerleaders ou par les multiples activités qu’offre le College à ses étudiants. Les longs cheveux châtains sombre avec quelques mèches un peu brillantes qui cascadaient sur les épaules nues avaient attiré mon regard. Les yeux acier étaient cachés derrière des lunettes fumées. Ils ne m’avaient pas alors aimanté. J’avais beau me concentrer sur le petit match d’entraînement qui opposait les titulaires habituels aux remplaçants, je ne pouvais m’empêcher de tourner plusieurs fois la tête vers cette jeune femme, un peu trop âgée pour être la petite amie d’un de mes gars, qui étaient presque tous des freshmen, des joueurs de première année, âgés de dix neuf ans à peine. Quand je m’étais retourné une nouvelle fois après avoir débriefé mes joueurs à la fin de l’entraînement, elle était partie. Je l’avais retrouvée quelques jours plus tard dans le Starbucks situé à côté de la fac dans lequel j’allais chaque jour chercher un de ces grands gobelets de café avant d’aller retrouver mes assistants pour préparer le programme du jour ou le match de la semaine. Posée sur un tabouret à l’une des petites tables rondes harmonieusement disposées dans le café, elle lisait un gros bouquin dont je ne me souviens pas du titre. Il faut dire que je regardais ailleurs. Je n’avais rien trouvé de mieux pour l’aborder que de lui demander si elle s’intéressait au soccer, ce à quoi elle répondit avec un accent anglais extrêmement distingué qui ne faisait qu’ajouter à son charme que chez elle, en Angleterre, le football était une véritable religion, et qu’elle croyait qu’en Amérique, seules les femmes lui vouaient un culte profond.

La conversation était engagée, elle allait durer quelques semaines avant que nous nous retrouvions devant la porte de son appartement après un second dîner et que j’osai, enfin, l’embrasser. Depuis, Marybeth Braithwaithe et moi ne nous sommes plus quittés. Même si tout ne fut pas toujours facile. Marybeth semblait à l’époque, comme c’est toujours le cas aujourd’hui, traîner un blues dont elle semblait incapable de tout à fait se détacher. Même dans l’intimité la plus entière, dans la communion de nos corps.

L’inspecteur Barnaby reprend la parole, me tirant de mes souvenirs. Une question anodine, sur l’arme retrouvée auprès du corps de Rory. Une belle arme, offerte par Marybeth. Nous n’avons pas grand-chose à dire sur le cadeau, ni moi ni Marybeth, qui semble aimanter de plus en plus le regard du sergent Scott.

Avant de répondre à une question du sergent qui semble avoir quelque difficulté à empêcher la bave de dégouliner de la commissure de ses lèvres, elle repousse sa longue chevelure légèrement ondulée derrière ses épaules, avant de confirmer qu’elle ne connaît pas de relation amoureuse à Rory Woodson. Scott, lui, semble parfaitement prêt à entamer une relation beaucoup plus sexuelle qu’elle ne serait amoureuse avec mon épouse, là, sur le tapis du salon.

Je me souviens parfaitement de notre première nuit, le soir de ce premier baiser. Je me montrai entreprenant, elle m’apaisa, me convainquit de la laisser diriger la manœuvre, de « laisser le coach dans le vestiaire », pour reprendre son expression. Nous fîmes l’amour longuement, lentement, elle sur moi, donnant le rythme. Lorsque nous parvînmes au plaisir après nous être tant attendus l’un l’autre, elle s’abattit sur ma poitrine trempée, son oreille posée sur mon coeur, et pleura. Un truc qui ne m’était jamais arrivé, encore… Lorsque je lui reparlai de cet instant, le lendemain, elle se contenta de me déposer un baiser sur le front, me disant de ne pas m’inquiéter, que c’était simplement elle, et que je n’avais rien avoir là-dedans, flattant mon orgueil de mâle en me glissant à l’oreille que j’avais été « formidable » la nuit précédente…

Nous nous sommes mariés six mois plus tard, à Boston où étaient réunies nos deux familles pour l’occasion. L’argent ne posait pas de problèmes. J’avais un bon petit salaire et Marybeth, qui travaillait à la bibliothèque du College venait d’une famille aisée, la noblesse anglaise. Son père avait failli s’étouffer quand nous lui avions affirmé vouloir nous marier, la première fois où je posais le pied sur le sol d’Albion. La fille du comte de Caverness, épouser un américain entraîneur de football !!! Un Américain, fils d’un immigré italien mineur en Pennsylvanie et d’une fille de fermier du Midwest ! Pourtant, Lord Henry adore le football, lui que son éducation destinait plutôt à aimer le noble rugby s’était pris d’amour pour ce jeu d’ouvriers du nord. Et c’est grâce à lui, d’ailleurs, que je suis là aujourd’hui.

La vie n’a pas été tendre avec Marybeth et moi. Lors de notre engagement, elle m’a averti qu’elle ne pouvait avoir d’enfant, suite à une chute de cheval dans sa jeunesse qui l’avait laissée à moitié morte. Je lui ai dit que peu m’importait, que nous pourrions toujours adopter ou avoir recours à des techniques de fécondation artificielle, mais Marybeth était déterminée à ne pas avoir d’enfant qu’elle ne pourrait porter elle-même. J’ai donc fait mon deuil de la paternité, et accepté de rester à ses côtés jusqu’à ce que la mort nous sépare, selon l’expression consacrée. La mort n’allait pas tarder à frapper. Ce fut d’abord mon père, emporté par la poussière de charbon qu’il avait respirée durant de si longues années, puis ma mère qui avait refusé de venir s’établir près de nous, comme si elle voulait se laisser mourir de chagrin.

Mes deux parents morts, plus rien ne me retenait en Amérique. Sauf le soccer, bien sur. Nous étions parvenus à atteindre les demi-finales nationales après avoir obtenu brillamment le titre de l’Atlantic Coast Conference. Ce fut la mort de la mère de Marybeth qui m’amena en Angleterre. Mon épouse voulait soutenir son père, et pensait qu’il était temps de rentrer définitivement au pays. Je démissionnais à la fin de la saison, conclue de manière mitigée par un nouveau titre de l’ACC avant d’échouer au premier tour des playoffs face à Marshall. C’était il y a trois ans. Lady Elizabeth Braithwaithe était morte dans un banal accident de voiture qui avait ému toute la communauté des Midsomer. C’était elle qui avait fait accepter l’union de leur fille avec moi à Lord Henry, elle qui m’avait adoptée comme son fils, elle qui tentait de me convaincre, quelques jours avant sa mort, de rejoindre l’Angleterre, où je découvrirai un autre monde, où je pourrais être au cœur du soccer, au cœur du football comme elle disait. C’est au nom de cette promesse jamais faite que j’ai accepté de venir en Angleterre, autant que pour Marybeth.

N’étant pas fait pour la vie de châtelain, je m’étais rapidement lancé dans l’ouverture de deux salles de sport, l’une à Causton et l’autre à High Wycombe, qui connurent assez rapidement le succès. J’avais recruté des jeunes américains, hommes et femmes, pour s’occuper des clients. Je m’occupais des finances, passant de temps en temps dans les salles pour m’entretenir. Les salles américaines avaient attiré rapidement les curieux, et le soin apporté au bien être de nos clients avait rapidement, par le biais du bouche à oreille, fait accourir la clientèle aisée de la région. Des petites délicatesses pour les clients, un peu de luxe pour peu d’argent comme des peignoirs personnalisés pour nos clients « premium » avaient fini par convaincre que les américains savaient y faire et, au bout de deux ans, je comptais une clientèle fidèle d’environ deux cents personnes, ce qui n’est pas rien dans cette région rurale. Suffisant pour payer mes cinq entraineurs personnels, deux hommes et trois femmes, des jeunes gens au look californien qui faisaient se pâmer les clients et les clientes. Mais je ne pouvais pas rester éternellement loin du soccer, ma passion.

Lord Henry m’avait fait nommer administrateur du club de Wycombe, où je cumulais cette responsabilité avec un poste de conseiller sportif du président. Pendant trois ans, avec Philip Marks, le président, fils du meilleur ami de Lord Henry, j’ai contribué à faire monter le club en troisième division, la Coca-Cola Ligue 1. Le club est entouré de beaucoup de gens de la région qui ont des intérêts et des amis à Londres. Lord Henry est un peu l’autorité morale du club, tout en permettant, à travers l’impressionnant réseau de son club de gentlemen londoniens qui se retrouvent pour déguster du cherry et un cigare dans de profonds fauteuils de cuir du côté de Chelsea, d’ouvrir des contacts avec les personnalités importantes du football anglais. Nous avions effectué un bon petit recrutement, en accord avec l’entraîneur Stuart Palmer, une ancienne gloire du club. Et puis, tout s’était effondré. Après quatre matchs dont un prometteur nul contre Leeds, qui faisait partie comme Wycombe des prétendants à la montée, Palmer avait remis sa démission à Philip Marks. Sans préciser ses motivations. Des problèmes personnels, avait-il simplement déclaré. Personne n’était au courant d’un quelconque souci familial ou de santé chez Palmer, mais sa décision était irrévocable. Sans doute sous la pression de Lord Henry, le conseil d’administration qui s’était réuni dans l’urgence avait décidé de me nommer à la tête de l’équipe, qui se déplacerait trois jours plus tard à Norwich. J’ai bien entendu accepté la proposition, connaissant bien l’effectif que j’avais contribué à assembler, et bien déterminer à prouver à l’Angleterre du football qu’un américain propriétaire de salles de sport pouvait s’avérer un aussi bon manager qu’un français qu’on était allé chercher au Japon il y a plus de 15 ans.

Et voilà que, tout frais entraîneur de Wycombe, je me retrouvai découvreur du cadavre de Rory Woodson, garde chasse de Sir Henry Braithwaithe. C’est pour cela que Barnaby et Scott étaient dans le salon d’honneur de Braithwaithe Manor, pour recueillir ma déposition, en savoir plus sur mon emploi du temps de ce matin, sur ce que j’avais vu et entendu. L’affaire fut expédiée en une petite demi-heure. Alors que je raccompagnai nos visiteurs vers la porte, le sergent Scott me glissa qu’il me souhaitait bonne chance pour le match de samedi, lui, le supporter de Wycombe qui s’avérait enthousiasmé par notre première victoire de la saison, pour mon premier match, à Norwich, remporté par quatre buts à zéro, derrière des prestations impressionnantes de joueurs que j’avais fait venir au club, notamment Sergey Krivets et Andy Carroll, l’attaquant de Newcastle que le club du nord nous avait prêté à la surprise de pas mal de monde. Il serait au stade pour la venue des Bristol Rovers, et espérait bien voir un bon match.

Barnaby semblait agacé par le badinage de son sergent. Tout autant qu’il avait semblé agacé par les regards que Scott lançait à Marybeth. Alors que je remerciai Scott pour ses encouragements, et que je mentionnai que j’aurai pu rêver pour mes débuts de circonstances de vie plus agréables que celles du suicide du garde chasse de Lord Henry, Barnaby ficha ses yeux bleus dans les miens. Il se tenait à la portière de sa grosse Volvo et lâcha :

« Un suicide, monsieur Verchain ? Vous semblez bien sur de vous… Nous n’excluons pas le meurtre. »


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Re: Midsomer Soccer

Message par Cantona » dim. 06 déc. 2009 9:50

Un banal incident sur un domaine de chasse dans la campagne anglaise. Si j'avais vu cette scène en milieu d'après-midi sur une chaîne du service public, j'aurais zappé immédiatemment.
Mais là.... La langue française permet des choses incroyables et tu l'utilises à merveille. Par tes descriptions, tes mots justement choisis, ta capacité à gérer ton récit, en dire beaucoup sans ennuyer le lecteur de détails futiles.
Tout ça me laisse à penser que tu est en train de nous monter quelque chose de très intéressant. M.Verchain est déjà installé comme entraineur, le football peut donc commencer. De plus, par mes études et mes expériences personnelles, je me suis intéressé à la Grande-Bretagne, je suis donc impatient de voir ton personnage évoluer au milieu de cette société qui est définitivement bien différente de celle que nous connaissons en France.

Je n'avais pas encore eu l'occasion de suivre une de tes stories en direct, alors je te souhaite bonne continuation pour celle-ci.
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Re: Midsomer Soccer

Message par Atom Tan » dim. 06 déc. 2009 9:55

Alors tout d'abord...ce matin en buvant mon café avant de me plonger dans un bain chaud, je me suis dit "chouette vas y avoir du Verchain" et puis voilà c'est parti.
En découvrant les premières phrases je me suis senti plongé dans un univers presque familier...ce terroir anglais, une brume légère, un cadavre...on aurait dit du Sherlock Holmes. C'est un régal cette petite intro. La cigarette, la jolie femme ténébreuse, l'Amérique en toile de fond autant d'éléments qui signent que l'on ai bien chez toi.

Un vrai bonheur mon cher que je suis sûr de partager avec beaucoup ici...j'ai eu raison de me lever ce matin.


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Re: Midsomer Soccer

Message par Nounours » dim. 06 déc. 2009 10:55

Bon Verchain fait du Verchain et c'est toujours aussi bon..
Que dire de plus,mes camarades ont déjà tout dis.
Je te souhaite une bonne continuation.
Si vous voyez un vétéran de 80 piges comparez ce qu'il a fait avec ce que fait Superman et demandez-vous qui est le héros.


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Re: Midsomer Soccer

Message par Misaki » lun. 07 déc. 2009 14:43

Ouais quand on arrive après tout le monde, on ne sait plus quoi dire.

Donc, j'ai lu et j'ai accroché de suite. Vivement la suite.
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Re: Midsomer Soccer

Message par Goreau08 » lun. 07 déc. 2009 16:47

Clair, quand on arrive après la bataille, y a plus grand chose à raconter.
Je vais suivre celle-là, elle n'est pas en Italie :mrgreen:
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Re: Midsomer Soccer

Message par Jérémibl » lun. 07 déc. 2009 18:12

Putain, la claque.
Ca, c'est de la présentation, ça c'est de la mise en boost. C'est juste une présentation ('fin bien plus qu'une présentation...) mais tant de choses y sont dites. La femme à Verchain m'intrigue déjà, que lui-même ne sache pas pourquoi elle semble si affectée au naturel, c'est intriguant, ainsi que ses pleurs lors de la première nuit d'amour.


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Re: Midsomer Soccer

Message par Verchain » lun. 07 déc. 2009 19:04

Jérémibl a écrit :Putain, la claque.
Ca, c'est de la présentation, ça c'est de la mise en boost. C'est juste une présentation ('fin bien plus qu'une présentation...) mais tant de choses y sont dites. La femme à Verchain m'intrigue déjà, que lui-même ne sache pas pourquoi elle semble si affectée au naturel, c'est intriguant, ainsi que ses pleurs lors de la première nuit d'amour.
N'attend pas une révélation pour le prochain épisode, non plus... Héhé. On va faire dans le sportif, je pense.

Merci à tous, en tout cas.


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Re: Midsomer Soccer

Message par Dr ZOULOU » mar. 08 déc. 2009 12:09

Cela m'avait manqué. Quand je lis ces mots, j'ai du mal à imaginer qu'il y a derrière, la même personne qui distille certaines piques dans la rubrique foot, j'ai du mal à imaginer que c'est la même personne qui balance des petasses dans un topic approprié.

La partie story est ton fief, tu n'y viens plus souvent. Dommage. A un moment ,elle appartenait à certains d'entre vous. Mais petit à petit chacun s'en est desinterressé. Heureusement d'autres ont repris brillamment le flambeau.
Mais c'est avec plaisir que je te retrouve, regrettant juste une présence moins assidue chez les autres auteurs.

Cette plume est fascinante, deconcertante de facilité, admirablement fluide, les mots glissent devant mes yeux, impregant mon esprit d'images fantastiques.


Tu reviens avec une introduction fracassante, et mille questions me brulent les lèvres. Marybeth est le personnage le plus enigmatique, le champ lexical de la mélancolie transpire à chaque ligne, et il y a derrière elle quelquechose. Quoi? Je n'en sais rien, mais l'importance des perso feminins chez toi me conforte dans l'idée que cette Lady a beaucoup de chose à nous livrer.

Bravo, merci et bienvenu chez toi.


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stumpy
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Re: Midsomer Soccer

Message par stumpy » mar. 08 déc. 2009 13:24

Je suis venu, j'ai lu, j'ai beaucoup aimé...


Franchement j'avais pas lu Parme, trop de retard dès le début. J'étais peut être resté sur la 1ère qui m'avait scotché.

Là c'est encore un univers que tu créés c'est vraiment intéressant de voir la construction du récit, la façon dont il prend forme, et comment tu donnes vie à ces personnages. J'aime beaucoup l'atmosphère British (même si j'ai dû passer à côté de 2 ou 3 références) que tu dépeins à travers ton récit, on a vraiment les images en tête, ce qui prouve la qualité des descriptions.

Comme le Doc je te préfère en Romancier, qu'en supporter beauf ! (pardonne moi l'expression)

A bientôt
[url=http://www.footmanager.net/forum/ftopic15349.php][img]http://i212.photobucket.com/albums/cc9/giantsouin/newbanniere_3.jpg[/img][/url]

1200 bornes, 1 pack de redbull, 10h pour perdre 4g, tu connais? On est pas dans le même monde


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Verchain
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Re: Midsomer Soccer

Message par Verchain » mar. 08 déc. 2009 19:58

Vous me mettez une de ces pressions, les jeunes...


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Takeo
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Re: Midsomer Soccer

Message par Takeo » mer. 09 déc. 2009 12:11

Hé hé !

Première fois que je te lis, Verchain ... et je comprends pourquoi la pluparts des "auteurs" ici-présent te considèrent comme l'une voire la plus belle plume du forum FM.net.

Pour l'histoire en elle-même, j'aime bien. On est vite emballée par cette petite vie plutôt typique des campagnes anglaise proches de Londres. Je trouve, pour trouver un ou deux défauts, qu'on n'est pas forcément bien renseigné quant au caractère de Francesco, après, c'est sûrement pour ne pas aller trop vite. Ce n'est qu'un premier épisode, mais j'aime bien, je vais suivre.

Nota Bene; les Lotus Seven, même en Angleterre ne courent pas les rues, ce sont des voitures de collections que les anglais sortent pour faire des virées de temps à autres, dans le même genre de voiture, les anglais sont plus communs avec les Caterham, plus abordable et surtout plus récentes. Les "riches campagnards" anglais du genre de région que tu décris sont plutôt supporters des "firmes locales", comme les Jaguar-Daimler et autre coupé de la firme félinément indienne et surtout des Range Rover/Land Rover Discovery, Defender.

N'empêche, une Lotus Seven Verte kaki et Jaune dans ses livrées typique, ça me botterait bien. C'est la classe à l'état pur.

J'ai une idée de scénario pour ma peut-être prochaine story. Mais voilà, je ne trouvais pas la motivation de la commencer cette story. Et bien, je crois que tu viens de me motiver.


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